Fusion Rossel – IPM: “Un Netflix de la presse que l’on va doter de capacités d’intelligence artificielle”

La fusion des groupes de presse Rossel et IPM permettra, selon leurs dirigeants, d’offrir une “formule d’abonnement à la presse francophone” un peu à la façon de Netflix. Mais aussi “de l’intelligence artificielle”, un peu à la façon de ChatGPT. C’est ce qu’a expliqué le CEO du groupe IPM dans Bonjour Bruxelles ce mercredi matin.

Les groupes de presse Rossel et IPM ont annoncé lundi la signature d’un protocole de fusion de leurs activités. La holding de la famille le Hodey, propriétaire notamment de La Libre Belgique et de La DH, entrera à hauteur de 10% dans le capital du groupe Rossel par l’apport de ses activités presse. Rossel reprendra les activités de presse écrite du groupe IPM. L’opération reste soumise à l’approbation de l’Autorité belge de la concurrence. Objectif annoncé par les dirigeants dans la presse: devenir le “Netflix de la presse” en Belgique francophone.

Quand on parle de Netflix, on veut dire par là que c’est un rassembleur avec une formule d’abonnement. Mais ce ne sera pas de la vidéo, c’est de fait de la presse qu’on va offrir. Et l’idéal, de fait, c’est qu’avec un abonnement, vous avez accès à toute l’offre de la presse quotidienne francophone. Ça c’est extraordinaire“, précise le CEO du groupe de presse IPM, François le Hodey, dans Bonjour Bruxelles. Avant d’annoncer sur notre antenne qu’il y aura aussi du ChatGPT dans cette offre, “pas demain matin, mais dans les trois, quatre ans, c’est quelque chose qui doit se faire.”

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“Toutes nos informations + de l’intelligence artificielle”

Réfléchissez bien: beaucoup de vos auditeurs, j’imagine, utilisent l’intelligence artificielle. Vous pouvez poser des questions sur l’actualité, sur ChatGPT par exemple. Mais ce qui est énervant, c’est que ChatGPT vous répond mais il va piquer nos articles. Donc c’est du vol”, explique le patron d’IPM. “Et comment est-ce qu’on va se protéger ? En créant un bunker digital, dans lequel on va mettre toutes nos informations, et que l’on va doter de capacités d’intelligence artificielle. Ce qui fait que lorsque vous serez abonné à notre abonnement commun, notre Netflix de la presse si vous voulez, non seulement vous pourrez lire le journal, vous aurez les applications et les sites internet, mais vous pourrez aussi parler avec votre journal. Demander par exemple: Qu’est-ce qui s’est passé à Bruxelles, on publie partout qu’il y a un problème de déficit colossal, est-ce que tu pourrais me dire ce que Le Soir ou La Libre Belgique en disent ? Et on va vous donner la comparaison de l’attitude du Soir et du positionnement de La Libre Belgique. Ça, c’est l’avenir“.

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Les deux groupes présentent ce rapprochement comme “indispensable” pour garantir la pérennité d’un journalisme professionnel et indépendant en Belgique francophone. “Cette intégration est une réponse pragmatique, volontariste et ambitieuse face aux nouveaux modes de consommation de l’information dominés par les réseaux sociaux, ainsi que face à la révolution de l’intelligence artificielle“, expliquent-ils. Le nouveau groupe sera structuré en trois pôles distincts : un pôle au sein de Rossel autour du Soir, un pôle IPM Presse autour de La Libre Belgique, La DH et le magazine Moustique, et un nouveau pôle régional wallon rassemblé autour du groupe Sudmedia, avec L’Avenir et Sudinfo. Interrogés par L’Echo, Bernard Marchant (Rossel) et François Le Hodey (IPM) assurent que toutes les éditions locales de L’Avenir et Sudinfo seront préservées, malgré certains doublons géographiques. L’objectif de ce projet de fusion reste néanmoins de faire des économies. “Il faut que L’Avenir soit plus offensif, il va devoir incorporer certains réflexes de SudInfo. L’Avenir a un traitement trop institutionnel. Je crois qu’on doit se rapprocher du mode de communication des réseaux sociaux“, a  par ailleurs déclaré le patron de Rossel, Bernard Marchant, dans Le Soir.

L’Avenir ne va absolument pas disparaître”

La direction nous a prévenus que cette fusion aurait des conséquences sociales“, a déclaré lundi Emmanuel Wilputte, délégué CGSLB au sein de L’Avenir, à la sortie d’une assemblée du personnel. Si aucun titre ne devrait être supprimé, des synergies seront inéluctables selon Emmanuel Wilputte.  “Le troisième pôle, celui de la presse régionale, sera celui où les transformations seront les plus importantes. La direction nous a prévenus que cette opération ne pourrait pas se faire sans casse sociale. On ne connait pas encore l’importance de cette casse mais elle concernera des journalistes ainsi que le reste du personnel. Des doublons vont en effet apparaître dans plusieurs départements, comme le sport ou les ressources humaines.”

Le personnel est désormais dans l’expectative. La prochaine étape sera l’approbation ou le rejet par l’Autorité belge de la concurrence du plan présenté par les deux groupes de presse. “La direction nous a expliqué que les titres seraient maintenus. Concernant la pluralité (du paysage médiatique belge), nous nous posons bien sûr des questions et nous attendons des réponses.”

Interrogé au sujet du futur de L’Avenir, François Le Hodey a répété que le journal “n’allait absolument pas disparaître, au contraire“.

Selon Frédéric Antoine, professeur émérite à l’École de communication de l’UCLouvain, les éditions de L’Avenir risquent d’être les premières victimes de cette opération. “Une fusion entre deux groupes de presse entraînera une rationalisation des contenus, ce qui réduira inévitablement le pluralisme de l’information“, prévient-il.

Spécialiste de la sociologie et de l’économie des médias, Frédéric Antoine redoute une “opération de façadisme”, où les titres resteraient distincts mais diffuseraient des contenus identiques, avec un traitement de l’information similaire. Il estime par ailleurs que les éditions de L’Avenir finiront, à terme, par être absorbées par celles de Sudinfo. “Pourtant, les lectorats de L’Avenir et de Sudinfo n’ont pas les mêmes attentes. Le risque, c’est que les lecteurs de L’Avenir, qui sont attachés à leur journal, ne se retrouvent plus dans le traitement de l’information proposé.” “Ce qui me sidère, c’est qu’IPM avance uniquement l’argument de la rentabilité. L’Avenir n’est peut-être pas rentable, mais c’est encore le journal le plus acheté chaque matin“, conclut-il.

 

BX1 avec Belga – Photo Belga

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25 juin 2025 - 12h53
Modifié le 25 juin 2025 - 12h56

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